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Isabelle Paternotte

NOVEMBRE 2015

Isabelle Paternotte

Isabelle Paternotte, une envie de théâtre




Elle a gardé la fraîcheur de l’adolescente… Le regard pétillant et malicieux et un sourire qui en dit long… Cette adepte de la mobilité douce virevolte avec bonheur dans la circulation bruxelloise. « C’est tellement plus rapide en vélo !... ». On la découvre pour la première fois au Public et elle en est ravie. « J’attendais ce moment depuis longtemps. J’aime Le Public, sa programmation, son esprit. Et puis, être de la première mise en scène d’Alain Leempoel, un ami de longue date. Plein de cadeaux en une fois. » Elle a fait de l’optimisme sa règle de vie et elle nous le partage avec bonheur.


Qu’est-ce qui a déclenché votre passion pour le théâtre ?
Mes parents allaient beaucoup au théâtre et ils m’emmenaient avec eux. J’ai commencé des cours de théâtre à 10 ans, chez Ronald de Pourcq. Un magnifique souvenir. Je n’avais pas l’âge requis mais il m’a acceptée. J’adorais cette cohabitation avec des élèves plus âgés que moi.

Ensuite un parcours classique ?
A 18 ans, je présente et réussis l’examen d’entrée au Conservatoire de Bruxelles. Trois années dans la classe d’André Debaar. Un cursus pas facile. J’étais trop jeune et beaucoup de choses me passaient au-dessus de la tête. En deuxième année, André Debaar m’avait fait jouer Macha dans « Les Trois Sœurs » de Tchekhov. Je ne comprenais rien à ce personnage. Je ne connaissais rien à l’amour et l’on me demandait de jouer une femme mal mariée qui avait un amant. A la sortie du spectacle les spectateurs venaient me féliciter pour la justesse de mon jeu et de mes sentiments ; je ne comprenais pas pourquoi et rentrais chez moi tous les soirs en pleurant dans le métro. Un souvenir perturbant. Il y a par contre des réminiscences plus heureuses ; la même année, j’étais engagée pour 80 représentations au Parc dans « La Cage aux Folles ».

Et la suite ?
Dès ma sortie, j’ai beaucoup joué au Parc, au Rideau, aux Galeries, au National, à Jean Vilar.

Etonnant à l’époque où l’on parlait encore de familles théâtrales concurrentes ?
J’appartenais visiblement à plusieurs familles. J’en ai perdu quelques-unes lors des changements de direction. Ne voyez-là aucun jugement de ma part. C’est un simple constat. Les choses évoluent et c’est normal.

Vous avez aussi participé à des projets plus saugrenus, hors des sentiers battus : « Aux Folles Croquettes » avec le Théâtre Loyal du Trac, un spectacle monté de toute pièce par Eric De Staercke, Nathalie Uffner et vous-même ?
Un excellent souvenir. Un OVNI théâtral. On voulait faire un spectacle sur la bouffe. On m’avait chargée de collecter un certain nombre de textes sur le sujet, en ce compris des recettes du Moyen Age. Il fallait mettre en musique tout cela. Comme nous étions tous les trois issus de la Ligue d’Impro, Eric nous a proposé, en guise d’échauffement, de choisir une recette, celle des croquettes de viande et de volaille, et de la présenter « à la manière de… ». Par exemple, à la manière d’une émission littéraire ; ou à la manière de la danse contemporaine flamande. Cet échauffement nous a tellement amusés que c’est devenu le spectacle. Une sorte d’exercice de style culinaire. Au départ, le texte paraissait sérieux, mais plus le spectacle avançait plus la recette était distordue, devenait déjantée, surréaliste.

Vous avez repris ce spectacle au Théâtre de la Toison d’Or ?
Oui. Et Nathalie Uffner me dit que chaque année des spectateurs lui demandent une reprise.

Et vous l’avez aussi joué à Avignon…
Un fiasco total. D’abord parce qu’on n’avait pas bien saisi la densité du Festival et ce que ça implique comme discipline (pub, distribution de tracts, etc…) mais aussi parce que le spectacle était trop décalé, trop surréaliste pour le public français.

Vous avez travaillé avec plusieurs metteurs en scène. Quelle est, selon vous, la caractéristique principale d’un bon metteur en scène ?
J’aime que le metteur en scène ait confiance en moi, et que sa confiance me porte. Même si je suis attentive à ne pas reproduire chaque fois la même chose, je ne veux pas d’un metteur en scène qui me torde, par plaisir ou par principe. C’est une simple question de reconnaissance et de respect de ce que je suis. J’aime aussi d’un metteur en scène qu’il se laisse surprendre, que son travail ne soit pas cadenassé.

Et quelle est la qualité primordiale d’un bon comédien ?
Il doit être à la disposition de l’équipe, proposer, prendre des risques, surprendre sans viser le résultat immédiat. Même si tous les projets qu’on accepte ne s’annoncent pas triomphants – il nous arrive à tous de « faire de l’alimentaire » - je n’aime pas le comédien qui reste au bord de la piscine quand on s’applique tous tant bien que mal à faire nos longueurs.

Vous le disiez, vous avez fait partie de la Ligue d’Impro.
Un excellent souvenir. Je m’y suis fait pleins de potes qui restent des amis fidèles. C’était bon enfant, ludique. J’y suis restée pendant 5 ans. Au terme de ces 5 années j’avais l’impression de piétiner. Le principe du jeu, c’est de nous mettre en danger. Au fil du temps, par sécurité, je me raccrochais automatiquement aux ficelles qui fonctionnaient bien. Je reproduisais donc… et je tournais en rond. Ceci dit, c’était une dure école ; on s’entraînait deux fois par semaine. Il m’est arrivé plus tard de répondre à des demandes de matchs spéciaux, « commémoratifs et festifs ». A chaque fois, j’ai mesuré combien l’absence d’entraînements était préjudiciable.

Vous êtes aussi à la base d’ « Article 27 ».
Après avoir beaucoup joué en début de carrière, j’étais dans une période creuse. Je n’aime pas rester inactive. J’avais envie de rendre à la société ce qu’elle m’avait donné. J’ai cherché une action bénévole. Puis je me suis dit que c’était dans mon secteur que je serais le plus utile. M’est venue l’idée de profiter de mon réseau de connaissances pour récolter des places de théâtre, les offrir au CPAS de ma commune en m’engageant à accompagner les bénéficiaires lors des représentations pour leur permettre d’apprivoiser le théâtre. Dans mes recherches de partenaires, j’ai abouti au Théâtre de Poche. Roland Mahauden et Olivier Blin, séduits par le projet, ont décidé de lui donner de l’ampleur. Ils m’ont offert un bureau au Poche et m’ont ouvert leur réseau de relations. L’idée tombait au bon moment. On a eu un petit budget de la Région Bruxelloise à l’essai pour 6 mois... et ça dure toujours.

Aujourd’hui, vous travaillez à « La Charge du Rhinocéros » comme chargée de communication.
C’est une petite association et donc chacun est suffisamment polyvalent pour mettre la main à la pâte. J’y ai retrouvé Olivier Blin.
C’est une association culturelle chargée de soutenir la création et la diffusion théâtrale de spectacles liés à des thématiques contemporaines. Il s’agit de spectacles à structures légères que nous essayons de produire le plus longtemps possible. Nous pouvons aussi aider les petites compagnies dans leurs prémices de production.
Au départ c’était une association de coopération Nord-Sud au travers de projets culturels. C’est ainsi que nous avons créé le Festival des Quatre Chemins à Haïti qui connait cette année sa 12ème édition. Ce type de coopération est très lent et Olivier est un homme de terrain, concret, immédiat. Même si l’on a maintenu des liens privilégiés avec l’Afrique, le quotidien nous a rapprochés de projets belges.

Récemment, on a pu vous voir dans « Chaos ».
Ma seule et unique mise en scène, c’était celle du spectacle « Y-a-t-il des tigres au Congo ? » de Bengt Alhfors et Johan Bargum, deux auteurs finlandais. A l’époque j’avais été mise en contact avec les services culturels de l’Ambassade finlandaise. Très dynamiques. Au terme des représentations, ils sont revenus vers moi pour me présenter d’autres auteurs finnois. Je ne me sentais pas la vocation de devenir l’ambassadrice du théâtre finlandais ; je les ai donc mis en contact avec Jean-Claude Idée et le M.E.T. (*) La collaboration a bien fonctionné. Un jour, Jean-Claude m’a demandé d’assurer la lecture de « Chaos » de Mika Myllyaho, un autre auteur finlandais, avec Stéphanie Van Vyve et Nathalie Willame. Le casting parfait. A la lecture, la pièce était quasi prête à être jouée. Armand Delcampe et Cécile Van Snick étaient dans la salle. Ils nous ont engagées sur le champ. Un trio d’enfer. J’ai rarement connu une telle complicité de travail.  

On vous retrouve, pour la première fois au Public, dans « Deux hommes tout nus » de Sébastien Thiéry.
La pièce est à hurler de rire. C’est une sorte de « vaudeville de 2025 » : toute la technique du vaudeville y est mais avec des ingrédients supra-modernes, loufoques et absurdes. Le vaudeville classique joue sur le mensonge : la situation de départ est claire… mais inavouable et les personnages s’emberlificotent dans un tissu de mensonges. Ici, de bonne foi, les deux hommes ignorent comment ils se sont retrouvés nus dans ce canapé. Il y a donc un ressort comique supplémentaire tout-à-fait inédit. De plus c’est très bien écrit ; Sébastien Thiéry a vraiment le sens de la réplique ; tout fait mouche.

Votre fille, Fanny Dumont, fait du théâtre. Ça vous inquiète ?
Pas du tout. Née de parents comédiens, elle a choisi cette voie en connaissance de cause… et j’ai été pleinement rassurée le jour où j’ai constaté qu’elle avait vraiment du talent et qu’elle ne s’était donc pas trompée dans son choix. Quel que soit son avenir, avoir cette compétence dans sa vie ne peut que la servir. Nos enfants aujourd’hui auront plusieurs carrières différentes et je trouve cela plus grisant qu’inquiétant. Je lui souhaite plein succès dans ce métier mais si un jour elle ne l’exerce plus, ce ne sera pas du temps perdu. C’est très émouvant de la voir en scène.         

Quel est le trait de votre caractère qui vous a le plus servi au théâtre ?
Mon optimisme… et peut-être mon inconscience, ma naïveté. Mon optimisme m’a surtout servi dans les périodes difficiles ; je ne me suis jamais sentie aigrie ; j’ai toujours refusé que ce métier me fasse souffrir et j’ai toujours trouvé des solutions, un équilibre heureux.

Quels sont vos projets ?
On en est encore qu’aux balbutiements… mais on pourrait travailler ensemble, Fanny et moi, sur un sujet qui nous relie, autre que le lien parento-filial, et qui nous parle à toutes deux. L’envie existe de part et d’autre. Y a plus qu’à… Et puis « Chaos » n’a pas encore été joué à Bruxelles…

Propos recueillis par Roland Bekkers

 

(*) M.E.T. : Le Magasin d’Ecriture Théâtrale a pour mission de découvrir et faire découvrir, par le biais de lectures-spectacle, les écritures dramatiques contemporaines.

En savoir plus sur « Article 27 »
En savoir plus sur « La Charge du Rhinocéros »


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