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Christian Labeau

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DECEMBRE 2015

Christian Labeau

Christian Labeau, la musicalité des mots



 


« Un coup de cœur !... » lâche Christian Labeau en parlant de « Coming out ». En 2013, après trois ans d’absence, le comédien revient, seul en scène, pour partager un texte fort inspiré de l’œuvre autobiographique de Tom Lanoye. Pas étonnant que cet amoureux des mots savoure chaque soir la fluidité du texte d’Alain Van Crugten. Si l’on y appelle un chat un chat, « Coming out » ne verse jamais dans la vulgarité. Un texte sincère pour une belle histoire d’amour et une magnifique performance de comédien. Un retour au Théâtre Le Public. En 2000, Christian Labeau y présentait un autre « coup de cœur » : « Inconnu à cette adresse ».


Puisque « Coming out » rassemble les souvenirs d’adolescence de Tom Lanoye, nous allons plonger dans vos souvenirs, Christian Labeau. Qu’est-ce qui vous a donné l’envie de faire du théâtre ?
Depuis l’âge de 4 ans, j’ai toujours eu envie de faire du théâtre. J’aimais prendre la parole. Jusqu’à 6 ou 7 ans, je m’étais inventé un meilleur ami que j’avais baptisé Jules et je lui parlais à longueur de journée ; cela avait fort intrigué mes parents !... Je jouais des spectacles dans l’appartement de ma grand-mère, ou dans le jardin de sa villa à Saint-Idesbald: je dansais, récitais des textes, imitais mes parents qui se disputaient, ce qui fournissait à ma grand-mère des renseignements de premier ordre et de source sûre. Puis j’ai fait du théâtre à l’école, à Uccle 1, comme Michel Kacenelenbogen, Alain Leempoel, Xavier Dumont, sous la houlette de Jacques Kroitor. Quand j’étais gosse et même ado, je manquais de confiance en moi ; le théâtre m’a rendu cette confiance. J’avais peur de passer un examen oral devant un prof, mais je me sentais à l’aise devant une salle de 400 personnes.

Vous entrez au Conservatoire de Bruxelles dans les classes d’André Debaar en art dramatique et Georges Génicot en déclamation, de grandes pointures. Quels souvenirs gardez-vous de votre formation ?
André Debaar m’a surtout appris la technique, il m’a donné les bases. Mais j’ai dû à un certain moment coupé le cordon ombilical, tuer le père, pour aller au bout de ce que je suis moi. Cela m’a pris du temps d’arriver à ce lâcher-prise.

Dès votre sortie du Conservatoire vous jouez dans de nombreux théâtres : Rideau, Galeries, National, Parc.
En fait, je n’ai même pas terminé le Conservatoire. Au terme de la deuxième des trois années, j’ai été proclamé, par le jury des directeurs de théâtre, 1er prix ex-aequo avec Patricia Houyoux. Ma grand-mère m’avait accompagné à cette proclamation. On a proclamé d’abord Patricia - par respect de l’ordre alphabétique ou de sa féminité, je l’ignore - et je trouvais qu’elle le méritait amplement. Je me souviens avoir confié à ma grand-mère : « Je me demande bien qui partage le 1er prix avec elle ». C’est à ce moment-là que j’ai entendu mon nom. Je ne vous dis pas le choc émotionnel. Je suis allé embrasser André Debaar et Claude Etienne, le directeur du Rideau, qui m’a dit : « C’est beaucoup trop tôt !... ». Je me suis alors tourné vers André Debaar en lui demandant ce que je devais faire et il m’a répondu : « T’inscrire au chômage !... ». Ce ne fut pas nécessaire, car j’ai été engagé tout de suite et je n’ai jamais chômé.

J’ai de magnifiques souvenirs de vous dans « Amadeus », bien sûr, mais aussi dans « L’Enfant de Salomon ».
Jacques Huisman, le directeur du National, a beaucoup compté dans ma carrière. Un mélange de sensibilité et de robustesse. Un vrai meneur de troupe, avec un côté boy-scout. Il m’a offert de magnifiques rôles qui ont révélé que je n’étais pas destiné qu’au répertoire comique. Bernard Decoster m’avait déjà donné cette chance au Rideau, dans « Le Procès de Kafka », mais j’étais trop jeune et je n’ai jamais bien compris ce rôle. Ce sont les premiers à avoir découvert que, derrière mes facéties, se cachait une autre palette à explorer.

Vous êtes aussi professeur aux académies d’Auderghem et de Waterloo ?
Un horaire complet. Ce qui m’oblige à prendre un congé sans solde quand je joue. J’ai arrêté la pratique du théâtre pendant trois ans ; j’étais fatigué, usé par le milieu où l’on ne me proposait plus rien de palpitant. J’ai donc pris un temps plein d’enseignant. Cela m’a permis de me ressourcer, de retrouver ma famille, mes amis. Puis l’envie de remonter sur  scène m’est revenue, mais seul et avec un texte qui me parle… C’est ce qui nous donne l’occasion de cette rencontre.

Vous êtes devenu prof par passion ou par nécessité ?
Au début, pour arrondir mes fins de mois ; mais aujourd’hui, c’est une vraie passion. J’ai aussi été  chargé  de cours de Charles Kleinberg et, pendant 6 mois, l’assistant d’André Debaar au Conservatoire.  André n’arrivait pas trop à me lâcher ; il assistait à mes cours et me faisait ses recommandations ; c’est là que j’ai tué mon père spirituel et ai pris mon indépendance.

Que souhaitez-vous transmettre à vos étudiants ?
La passion. Leur apprendre à aller au bout des choses. La sincérité dans le travail. J’ai la chance de travailler avec des ados, de les ouvrir au monde, à la culture, de leur permettre un épanouissement personnel, comme un père fait grandir ses enfants.

Votre travail de pédagogue change-t-il votre propre pratique théâtrale ?
Oui. Comme je dois leur expliquer certaines choses, je me les applique à moi-même.

Vous êtes aussi directeur artistique d’Alter Ego.
L’asbl a été fondée par Bernard Cogniaux, Martine Willequet, Patrice Mincke et moi-même. Chacun a fait son chemin depuis. Aujourd’hui, je suis secondé par Alain van Crugten, France De Staercke, la sœur d’Eric, et le fils de Luc Van Grunderbeek.  

Quelle est la ligne de cette asbl ?
Défendre les beaux textes, théâtre et poésie. J’ai toujours adoré la poésie.

Qu’est-ce qui vous séduit dans la poésie ?
L’écriture. La poésie dit l’indicible. Et puis j’adore la musicalité des mots.

Dans « Coming out » on sent votre plaisir à « dire » le texte.
Oui. Et je suis particulièrement heureux quand, après le spectacle, des jeunes viennent me dire, un peu surpris : « Monsieur, on comprend tout ce que vous dites ! » C’est pourtant simple ; il suffit de faire sonner les consonnes. La première politesse, c’est de se faire comprendre par les spectateurs.

Vous avez aussi un lien particulier avec La Samaritaine.
Là je suis président et Huguette Van Dyck est la directrice artistique. Je l’ai aidée dans ses contacts avec les instances politiques et je participe à la programmation.

Comment sont nés vos contacts avec la Samaritaine ?
A son arrivée à la tête du National, Jean-Claude Drouot m’a licencié ; il n’aimait pas ma façon de jouer. J’ai bien cru que j’allais me retrouver au chômage. André Debaar, toujours lui, m’a dit : « Va voir à la Samaritaine !... ». J’ai proposé à Huguette un montage de textes humoristiques. Cela lui a plu. Depuis je lui suis fidèle et y présente un spectacle quasi chaque saison.

Vous êtes donc un sociétaire de La Samaritaine.
Tout-à-fait. A La Samaritaine, j’ai mis le pied à l’étrier à quelques jeunes comme Olivier Massart, Serge Demoulin.

En 1998, vous avez obtenu le Prix Théâtre du Seul en Scène pour votre interprétation, de « Un Ami fidèle » de Jean-Pierre Dopagne, un autre auteur belge. L’obtention de ce prix théâtre en 1998 a-t-il facilité la suite de votre carrière ?
Je ne crois pas. Je n’ai pas eu de chance. J’avais créé ce spectacle chez Henri Ronsse au Nouveau Théâtre de Belgique, juste avant qu’il n’ait ses ennuis judiciaires et ne parte en France. Le spectacle n’a donc pas pu être repris ni surfer sur la vague du prix.

Pour Le Théâtre Le Public, c’est un retour. Vous vous êtes produit ici, il y a quinze ans, dans « Inconnu à cette adresse » avec Luc Van Grunderbeek et Bruno Georis. Le Théâtre a-t-il changé ?
Le public me semble plus diversifié et le lieu plus chaleureux.

Revenons à votre actualité, « Coming out ». Comment qualifier la pièce ?
Vérité, sincérité, humour, gravité, plaisir de l’écriture, tendresse… mais le mot principal c’est : Amour. C’est ça qui touche les gens : certains spectateurs sont peut-être surpris, voire légèrement choqués, mais tous sont émus par cette superbe histoire d’amour. 

Qu’est-ce qui vous a donné envie de créer ce spectacle ?
J’avais demandé à Alain van Crugten d’écrire une pièce qui parlerait de mon adolescence. ça ne l’a pas inspiré. Il m’a fait découvrir les textes de Tom Lanoye et m’a proposé de raconter l’adolescence de Tom à partir de trois œuvres autobiographiques, « Les boîtes en carton », « La langue de ma mère » et « Un fils de boucher avec des petites lunettes ». Tom Lanoye à qui nous avions présenté le projet a marqué son accord. Il y a, dans le spectacle, un mélange de ma propre vie et de celle de Tom.

L’exercice périlleux du seul en scène, vous le vivez comme un plaisir ou une souffrance ?
Un plaisir total. A la création, aucun théâtre n’a accepté le projet. J’ai donc puisé dans mes propres deniers pour produire le spectacle pendant 10 jours à La Samaritaine. Alain Leempoel est venu voir ; il a adoré et a décidé de produire le spectacle. Patricia Ide, qui pourtant n’avait pas été séduite à la lecture du texte, a également décidé de m’inviter au Public.

Votre partenaire direct c’est le public. Vous sentez ses réactions ?
Très fort. A sa manière d’entrer dans la salle, on sent quelle sera l’humeur du public. On s’y adapte : on modifie le rythme, la place des temps.       

Vous avez créé le spectacle en 2013. A-t-il évolué et évolue-t-il encore ?
Beaucoup. Pourtant, à la création, j’avais déjà étonné mes amis professionnels qui m’avaient unanimement dit : « Pour une fois, Christian, tu n’en fais pas trop !... » Le passage par Avignon cet été m’a poussé à encore plus de sobriété pour mieux servir la force intrinsèque du texte. Le spectacle a gagné en fluidité, en simplicité. Le public français, et particulièrement le public pointu du festival, ne réagit pas comme le public belge. Avignon est une bonne école : le fait de jouer de manière intensive pendant un mois permet de ré-explorer le texte chaque jour ; quand on a le plaisir de jouer un grand texte, on  n’a jamais fini de l’explorer.

18h00. La ruche se met à bourdonner, la fourmilière à fourmiller. Derrière les volets encore clos, le personnel s’agite, prêt à accueillir les premiers spectateurs. Christian Labeau, lui, entame sa lente incarnation : respirer la salle vide, endosser le costume de scène, entrer lentement dans la peau de Tom… Imaginer Zéphyr… puis attendre, derrière le rideau, l’entrée des spectateurs… Percevoir leur humeur… Evaluer ce que sera le rythme de la soirée… Le traditionnel mot d’accueil du personnel du Public… Les premières notes du limonaire… Lumière… Action !

Propos recueillis par Roland Bekkers

PARCOURS
Christian Labeau a participé à un spectacle au Théâtre Le Public :
2000 Inconnu à cette adresse

EN CE MOMENT
Coming Out, jusqu'au 31/12/2015

(c) Photo: Danny Gys

 


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