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MAI 2016

Chandra Vellut

Chandra Vellut, du sur-mesure




Le costume de théâtre est une notion assez récente. Jusqu’à la fin du XVIIIème siècle, comédiennes et comédiens jouaient principalement avec leurs tenues de ville préférées. « Pendant des années, on vit sur une même scène des costumes adaptés à la pièce et des habits somptueux, à la mode du temps, offerts par de généreux protecteurs. C’est ainsi qu’une servante pouvait être mieux habillée qu’une princesse si elle régnait sur le cœur – et la caisse – de quelque grand personnage. Ce n’est que vers 1830 que l’on commence à jouer Molière en costumes historiques » affirme Agnès Pierron (*) 

Aujourd’hui, le costume participe éminemment à la création du personnage… et la costumière ou le costumier fait partie de l’équipe artistique au même titre que le scénographe ou le metteur en scène. « Le Malade Imaginaire », « Les Présidentes », « Tuyauterie », « Cabaret » portent la marque d’une costumière au prénom lunaire : Chandra Vellut.


Qui êtes-vous Chandra Vellut ?
Je suis styliste, costumière, plasticienne, un peu bricoleuse. J’exerce ce métier depuis une trentaine d’années.

Qu’est-ce qui vous a amené à être costumière de théâtre ?
Le hasard. Je me destinais à la peinture. J’ai donc fait les Beaux-Arts. À ma sortie de l’école, j’ai tout de suite travaillé à l’opéra et j’ai découvert les métiers de la scène et le monde du costume. J’ai donc abandonné mon art premier tout en en gardant des facettes que j’applique à la réalisation des costumes. J’adore travailler des matières originales comme le plastique, peindre les tissus. C’est devenu ma spécialité ; on m’appelle souvent pour la confection de costumes qui sortent de l’ordinaire.

Où avez-vous suivi votre formation ?
En ce qui me concerne, je suis autodidacte. J’ai eu la chance d’assister des costumières averties pendant les premières années de ma carrière ; elles m’ont tout appris. Des filières de formation existent à La Cambre, à Saint-Luc. Auparavant, les costumiers et costumières accédaient au métier en passant par une formation en scénographie.

Êtes-vous nombreux ?
Oui, et je constate avec plaisir l’arrivée d’une bonne relève de jeunes stylistes. Ceci dit, le métier n’est pas épargné et nombreux sont celles et ceux qui ne trouvent pas de travail.

Pour découvrir un comédien, il suffit de surfer sur le site « comedien.be ». Je n’ai pas trouvé de site « costumier.be ». Comment se fait-on connaître et reconnaître ?
Par la qualité de son travail. En ce qui me concerne, c’est la particularité de mon travail qui m’a fait connaître. Je ne fais pas que de la couture ; j’aime les défis originaux. C’est sans doute dû à ma formation picturale de départ. Je conçois le costume comme un tableau, en touches et retouches successives. J’aime mélanger les matières et techniques là où certains se contenteraient du velours ou de la soie. J’aime tordre le cou aux codes d’époque et de style, dépoussiérer le costume de théâtre. Sur scène, le costume a, lui aussi, quelque chose à raconter.

Depuis 89-90, vous n’avez cessé de travailler, principalement pour le Théâtre Loyal du Trac et l’Infini Théâtre, Les Riches-Claires, quelques compagnies Jeune Public, des Théâtres de marionnettes comme le Créa-théâtre et le Tof Théâtre. En dehors du Théâtre Le Public, avez-vous côtoyé d’autres grandes maisons ?
J’ai pas mal travaillé pour l’Opéra, pour le Théâtre National aussi. Occasionnellement à Liège. Et j’ai aussi tout un pendant cinématographique.

Les grandes maisons théâtrales ont-elles leurs costumières attitrées ?
De moins en moins. Les ateliers ferment dans les théâtres. À Bruxelles, il ne doit plus exister d’ateliers actifs qu’à La Monnaie et au Théâtre National. Jadis, chaque théâtre avait son atelier avec du personnel engagé à l’année. Aujourd’hui, on n’engage plus que sur des projets spécifiques. De plus les structures n’existent plus. Ici, au Théâtre Le Public, la direction a conservé quelques tables, quelques machines, mais l’infrastructure est très sommaire. Une grosse partie du travail se fait donc chez moi.

Vous avez également travaillé pour la danse. Y a-t-il des exigences particulières ?
C’est très différent. Quand on travaille pour les danseurs, le costume est plus technique. Solidité et confort sont les maîtres-mots. Cela ne veut pas dire que le costume du comédien ne doit pas être confortable. Le costume doit faire corps avec l’artiste, il doit se faire oublier si l’on veut qu’il soit porté avec naturel.   

Quand intervenez-vous dans la création théâtrale ?
Dès le départ. Je reçois le texte, le lis plusieurs fois. Je travaille beaucoup avec les comédiens ; je dois les voir parler, bouger… cela me permet d’imaginer dans quels costumes je les vois. Je suis donc souvent présente dans les salles de répétition tout au long du parcours. Le costume doit les accompagner dans leur recherche du personnage.

Vous avez carte blanche du metteur en scène ?
Nous dialoguons, bien sûr, avec le metteur en scène, le scénographe, et plus tard avec le coiffeur et la maquilleuse, mais toujours en apportant notre vision du costume. Dès le départ, nous balisons les grandes lignes de nos créations personnelles qui doivent évidemment se marier élégamment. 

Les budgets des théâtres sont de plus en plus étriqués. Je suppose que le budget costumes n’est pas épargné.
C’est même le premier budget sur lequel on fait des économies. Les subsides fondent comme neige au soleil ; c’est désolant quand on sait combien la culture est importante et a de choses essentielles à dire. On a donc appris à faire du formidable avec de tout petits moyens.

Vous pratiquez donc la récupération, le recyclage de costumes.
Oui. Et cela me passionne vraiment. Le recyclage fait partie de mes modèles de pensée ; c’est, pour moi, une évidence et un défi permanent. Dès que le spectacle a fini sa tournée, le costume est prêt à être recyclé. Il est donc stocké dans l’attente d’une autre vie.

Ces costumes ne sont donc pas vendus pour répondre aux demandes des compagnies d’amateurs par exemple ?
Les déstockages existent dans les lieux qui possèdent encore leurs ateliers de couture, comme La Monnaie par exemple. Ce sont souvent des costumes superbes, travaillés à la main, sur mesure.      

Vous qui avez déjà tout connu, préférez-vous les grosses productions aux petites ?
C’est évidemment très agréable et excitant de travailler pour de grosses productions, comme « Cabaret » par exemple, mais ce n’est pas nécessairement ce que je préfère.

La situation est-elle la même au cinéma ?
Non. C’est très différent. Les budgets sont souvent importants. Tout est fait sur mesure. Au cinéma, lorsqu’on doit habiller un film d’époque, le travail est très rigoureux et nécessite recherche et documentation. Pas question de sortir des codes vestimentaires, alors qu’au théâtre, on a plutôt tendance à se donner des libertés. Le metteur en scène et les comédiens ont pour mission de raconter une histoire mais en l’interprétant à leur manière ; le créateur costume participe lui aussi à cet élan créateur. Dans « Le Malade Imaginaire », par exemple, les époques et les codes vestimentaires sont mélangés de manière anachronique, une façon comme une autre de montrer l’universalité de l’œuvre, et de permettre au spectateur de voyager dans le temps et l’espace.      

Lorsque les représentations sont en cours, je suppose que vous avez encore du travail.
Non. C’est l’habilleuse qui prend le relais pour assurer nettoyage, repassage, réparation et entretien des costumes. Il existe aussi des habilleuses-plateau pour aider les comédiens lors des changements rapides de costumes.

Y a-t-il des comédiens plus difficiles à habiller ou plus exigeants que d’autres ?
Bien sûr, particulièrement au cinéma. Au théâtre, les compromis sont plus faciles.

Dans « Tuyauterie », par exemple, les costumes semblent appartenir au quotidien. Les acteurs jouent-ils avec leurs costumes de ville ?
Jamais. Tous les costumes sont toujours créés et ajustés. La salopette de Charlie Dupont a été adaptée, usée, patinée et salie pour lui enlever son apprêt : on s’est traîné à quatre pattes tous les deux pour user les genoux. Même si ça n’en pas l’air, tout est pensé. Le peignoir en soie de Tania a été fait pour elle, avec un choix minutieux de la couleur.

Dans votre parcours, vous avez quelques fois été assistante à la scénographie.
Très ponctuellement, oui. Dans « Promenade de Santé », Lionel Jadot avait fait appel à moi pour réaliser un arbre en tulle. Le tissu n’est jamais loin ! La scénographie n’est pas mon métier et je ne veux pas y faire carrière ; je n’en ai d’ailleurs pas les compétences.   

Vous avez travaillé également pour le Créa’Théâtre et le Tof Théâtre. Habiller des marionnettes, est-ce un art différent ?
Oui, parce que tout est en format réduit. Les choix et les contrastes des matières sont très importants : j’ai tricoté des mini-pulls, des mini-écharpes. Un travail de précision.

Les qualités d’une bonne costumière ?
Elle doit être à l’écoute des comédiens, plus encore qu’à l’écoute du metteur en scène. Elle doit bien s’imprégner de l’œuvre pour être en osmose avec les différents créateurs du spectacle. À l’écoute, mais créative : participer à la création, c’est aussi oser proposer des choses.   

Laissons le mot de la fin à Philippe Torreton : « Un essayage de costume est toujours un peu fastidieux, c’est obligatoirement long, vous êtes debout, immobile. Régulièrement une épingle vous rappelle que vous êtes faits de chair et non de tissu. Vous avez l’air bête avec votre moitié de manche et votre caleçon absolument pas assorti aux bribes bâties de votre futur costume, (…) mais lorsque vous regardez la costumière vous déchirer les manches, remonter une épaule, tracer un col à la craie, donner de l’aisance à un pli, vous vous dites que, décidément, posséder un métier est une bien belle preuve d’existence. » (**)

(*) Dictionnaire de la langue du théâtre  
(**) Petit lexique amoureux du théâtre      

Propos recueillis par Roland Bekkers
Photo (c) Gaétan Bergez

PARCOURS 
Chandra Vellut a participé à 8 spectacles au Théâtre Le Public :
2003 Abribus
2013 Promenade de santé
2014 Tuyauterie
2014 Cabaret
2015 Casanova, ma fuite des Plombs
2015 On achève bien les chevaux
2016 Le malade imaginaire
2016 Les présidentes


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