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MARS 2018

Laure Chartier

Laure Chartier, sincèrement



 


Elle vous a fait hurler de rire dans « Les Faux British » où, en alternance avec Laure Godisiabois, elle assurait, avec brio, sincérité et générosité, le rôle de la régisseuse de plateau. Aujourd’hui, elle opère un virage artistique serré avec la création d’ « Un fait divers ». Derrière ce titre atrocement banal, se cache une souffrance… peu banale, elle. Laure Chartier a choisi de la porter au théâtre et de découvrir l’écriture, grâce à ou malgré « ça ».


Vous êtes de nationalité française. Vous avez obtenu un Master en recherche d’études théâtrales à l’Université de Rennes. Qu’est-ce qui vous a poussée à poursuivre vos études en Belgique et à vous inscrire au Conservatoire de Bruxelles ?
Je ne le sais pas moi-même. Lorsque j’ai terminé mes études à Rennes, j’ai eu l’envie de changer d’espace, d’univers et j’ai pensé à la Belgique. Je suis incapable de vous dire pourquoi. Je me suis rendue à Bruxelles pour présenter l’examen d’entrée dans une autre école ; un examen qui s’étalait sur une dizaine de jours. Je n’ai pas été reçue mais j’ai adoré Bruxelles. Je m’y suis sentie bien. J’ai donc décidé de m’y établir. Je me suis inscrite dans une académie pendant un an dans le but de me préparer à l’examen d’entrée au Conservatoire de Bruxelles… où j’ai été prise immédiatement en 2ème année. Voilà donc près de 10 ans que je réside et travaille en Belgique

Un souvenir marquant de ce passage au Conservatoire ?
Pleins !... Que choisir ?... Avec Serge Demoulin, j’avais travaillé sur Dario Fo et Franca Ramé. Un exercice des plus marquants qui m’a libérée en tant que comédienne : découvrir que l’on pouvait faire rire avec quelque chose qui a du sens. À l’époque déjà, Serge ne cessait de me répéter : « Tu devrais faire un seul en scène ! ». Cela m’a trotté dans la tête et voilà que j’y suis. Je suis très reconnaissante à Serge pour cette parole.

Vous gardez pourtant contact avec votre région d’origine puisque vous jouez avec la Compagnie La Mort est dans la boîte, la Compagnie L’eau prit feu et la Caravane compagnie.
Tout-à-fait. J’étais encore à l’Université de Rennes quand nous avons créé La Mort est dans la boîte ; une compagnie d’étudiants qui est devenue professionnelle et avec laquelle j’ai continué à collaborer même quand je m’étais exilée en Belgique. L’eau prit feu, c’est plus ancien encore. Du théâtre-action, théâtre-forum, très formateur sur le côté social et éducatif que peut apporter une création théâtrale. Dans ces deux compagnies, on aborde des thématiques très généreuses dans leur discours et qui vont vers les gens, dans un souci de transmission, ce qui m’a toujours paru primordial dans le métier.

Avec la Caravane compagnie, vous avez participé à la création d’un spectacle qui s’appelle « Oui !, variations sur une journée de noce » très particulier dans sa forme. Pouvez-vous nous en parler ?
Ce spectacle propose aux spectateurs de vivre, quasiment en temps et lieux « réels » une journée de noces comme s’ils en étaient les invités. Il comporte les 4 temps traditionnels d’une journée de mariage : « La sortie de la mairie et le cortège », « Le moment creux dans l’après-midi », « Le repas » et « Le bal », chacun écrit par un auteur différent. Le tout représente un spectacle de 5h30. Mené par une équipe de 7 professionnels, le spectacle fait appel aux comédiens amateurs du coin et aux habitants du village où il est produit ; sans prérequis nécessaires, mais pris en charge pendant 4 weekends par le metteur en scène, ces « invités » s’intègrent aux différents temps du spectacle. Cela suppose un travail d’adaptation et d’écoute lorsque les équipes amateures et pros se rencontrent au bout du travail mais quelle belle et enrichissante expérience humaine.

De 2011 à 2015, vous participez en tant que comédienne et metteure en scène au Festival Courants d’Air, à Bruxelles ?
C’est un festival organisé par le Conservatoire Royal de Bruxelles, avec le soutien du CAS*, qui permet aux étudiants de toutes les écoles de créer leurs propres projets. Chaque groupe soumet son projet à un jury de sélection. S’il est retenu, l’équipe se met au travail pour produire son spectacle en avril. Un vrai laboratoire qui m’a permis de découvrir, sans trop de pression, le métier de metteure en scène, discipline absente du programme de cours au conservatoire. La présentation finale est une sorte de vitrine de la jeune création à laquelle sont conviés des programmateurs éventuels.

* Centre des Arts scéniques : Le Centre des Arts scéniques est une association sans but lucratif qui s’est donné comme mission de faciliter l’entrée dans la vie professionnelle des jeunes comédien(ne)s et des metteur(e)s en scène diplômé(e)s d’une des cinq écoles supérieures d’Art dramatique de la Communauté française, ainsi que des circassien(ne)s diplômé(e)s de l’école supérieure des Arts du Cirque.

Depuis 2016, vous faites partie de la distribution belge des « Faux British » avec laquelle vous êtes actuellement en tournée en France avant de revenir au Théâtre Le Public en avril 2019. Pourquoi l’équipe est-elle doublée ?
Il y a tellement de dates de représentations qu’il est nécessaire de disposer d’une double équipe pour pouvoir les assurer. Le spectacle n’est pas non plus sans risque physique. Mais le roulement a surtout un aspect très positif. Comme on se retrouve chaque fois confronté à des partenaires différents, pas question de se reposer sur ses lauriers. Il faut rester aux taquets, à l’écoute de chacun. Qui plus est, des comédiens de la série belge peuvent être amenés à remplacer des comédiens de la série française. On a donc tout intérêt à être nombreux.

Il y a donc 4 équipes au total ?
Oui. Deux belges et deux françaises.

À quoi est dû le succès de ce spectacle ?
Cette comédie généreuse, précise et bien ficelée n’a d’autre but que de faire rire. Les personnages et les gags sont affinés. Rien n’est gratuit. Le moteur est la sincérité de cette fausse troupe d’amateurs qui veut absolument aller au bout du spectacle. La générosité de ces personnages crée une empathie naturelle avec le public.

Vous tournez beaucoup avec ce spectacle qui pourtant nécessite une lourde structure à transporter et à installer. Comment vous adaptez-vous aux différentes salles ?
C’est un gros pari pour l’équipe technique qui doit démonter le soir, faire la route la nuit pour remonter le décor le matin. Merci à eux. Et l’on adapte l’ouverture du décor à l’ouverture du plateau.

Le public réagit-il différemment selon que vous jouez en France ou en Belgique ?
En Belgique, il me semble que c’est l’ensemble des effets visuels et du texte qui fait rire. En France, le public est plus scindé : il réagit soit au texte, soit aux effets visuels.

Venons-en à votre actualité. Vous allez présenter « Un fait divers » au Théâtre Le Public en avril 2018. Vous en avez présenté une esquisse fin 2017, esquisse qui a dû convaincre, puisque vous voilà déjà programmée en 2018… et on annonce déjà votre retour en 2019. Peut-on lever le voile sur le contenu ?
« Un fait divers », comme le dit l’annonce, c’est l’histoire vraie d’une fille sans histoire. Le thème général est le viol, mais la pièce développe surtout tout ce qui se passe après et qui tient bien souvent du surréalisme le plus total, dans la gravité comme dans la drôlerie. C’est parfois terriblement drôle, dans le sens terrible du terme. La succession des dysfonctionnements transforme ce parcours en un vrai parcours du combattant. On encourage beaucoup les femmes victimes du viol à porter plainte mais on n’imagine mal à quoi elles s’exposent en accomplissant ce geste. Partant de mon expérience personnelle – car ce récit est effectivement autobiographique – j’ouvre une réflexion générale sur l’après. J’ai eu la chance d’être bien entourée et de pouvoir aller au bout des démarches mais nombreuses sont celles qui abandonnent en chemin. Et tout au long de ce parcours, c’est souvent les petites notes d’humour qui m’ont permis d’avancer, de me sauver.

Serge Demoulin vous avait encouragée au « Seul en scène », avez-vous dit. Qu’est-ce qui vous a poussée à vous lancer dans l’écriture.
Lorsque j’ai vécu les « après » de mon viol, je me suis dit que les situations, par leur surréalisme,  étaient éminemment théâtrales. L’envie d’en faire un spectacle m’est donc venue très vite. Je me suis mise en quête d’auteur. Comme je ne trouvais personne, un ami m’a dit : « Écris-le toi-même. C’est ton histoire, c’est ta parole. Essaye ! ». Je me suis donc lancée et tout est venu de manière assez fluide. J’ai corrigé, recorrigé, soumis le tout à deux amis auteurs, Sébastien Hanesse et Ronan Mansec, qui m’ont aidée à finaliser l’écriture. Cela m’a pris deux ans. J’ai envoyé mon texte à Patricia Ide pour profiter de son avis et surtout pour me renseigner sur les structures susceptibles de le créer. Elle a décidé de le soumettre au comité de lecture du Théâtre Le Public qui l’a apprécié au point de me proposer une esquisse.

Quand vous avez présenté l’esquisse en novembre 2017, tout était-il déjà écrit ou vous restait-il une partie à achever ?
Tout était écrit. J’avais achevé l’écriture durant l’été 2017. Lors de l’esquisse, j’ai choisi de présenter trois extraits marquants : le moment qui suit l’agression, l’aspect médical et l’aspect juridique.

L’esquisse vous a-t-elle apporté des retours qui vous ont poussée à modifier le texte ?
Les retours nous ont confortées, la metteure en scène Aurélie Trivillin et moi-même, dans certaines pistes et nous ont amenées à en explorer d’autres. La confrontation au public permet évidemment d’affiner les choses, de vérifier ce qui passe et ce qui passe moins bien. Mais tous les retours que nous avons reçus, tant du public que de l’équipe du théâtre, étaient constructifs et bienveillants.

Qu’est-ce qui a changé de l’esquisse à la version finale ?
Nous avons fait quelques coupes. Mais nous avons surtout retravaillé le ton, le type de prise de parole, simple et directe. Trouver le juste équilibre entre la dimension théâtrale et la dimension personnelle de mon récit.

Un « seul en scène » sur un sujet aussi grave permet-il une théâtralisation visuelle ?
Oui… et j’en laisse la surprise aux spectateurs.

Des projets ? D’autres envies d’écrire ?
J’aimerais vraiment continuer à écrire. Cela m’a vraiment plu. J’ai des idées mais la forme reste encore imprécise.

Quelles idées ?
J’ai travaillé au service réservation du Théâtre Le Public ; il y a là une mine de situations théâtralisables.

 

Propos recueillis par Roland Bekkers

VOIR EN CE MOMENT
Venez voir Laure en seule en scène dans « Un fait divers » du 10 au 21.04.18


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