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JUIN 2018

Aylin Yay

Aylin Yay, talent multiple




Aylin Yay, un bonheur pour les amateurs de scrabble sur la case « mot compte triple » ! Même si – il faut bien vous l’avouer – la version française du célèbre jeu ne compte qu’un seul Y, valeur 10. Timide, réservée, malgré une prestigieuse carrière, Aylin se livre peu. Elle accepte toutefois de répondre à mes questions dans une brasserie de la place Laneau à Jette. Une commune où elle aime vivre parce qu’elle ressemble à un village.


Aylin Yay, un nom et un prénom à consonance étrangère.
Oui, je suis de père turc et de mère belge.

Votre nom et votre prénom signifient-ils quelque chose ?
Oui. On ne me pose jamais cette question mais elle est intéressante. Yay, c’est le sagittaire, l’arc. Et Aylin, c’est le halo de la lune.

 

Vous étiez timide à la naissance et c’est votre maman qui vous conseille de faire de la déclamation et du théâtre.
Oui, j’étais très timide. J’ai découvert le théâtre à l’Académie dans la classe de Henri Ruder, puis je suis entrée au Conservatoire de Bruxelles.

 

Vous y entrez dans les classes de Pierre Laroche et de Bernard De Coster. Deux « monuments » ! Que vous ont-ils apporté l’un et l’autre ?
Bernard était un directeur d’acteur précis, centré, dur et exigeant. C’est pourtant lui qui m’a donné confiance dans l’idée d’exercer ce métier. Pierre était un maître de la langue, du texte.

 

Pourtant, vous mettez quelque peu le théâtre en veilleuse et entamez une licence en Philologie et Histoire Orientales à l’ULB. Pourquoi ?
Malgré l’excellence de mes professeurs, mon passage au Conservatoire ne m’avait pas complètement satisfaite. Il a fallu pas mal d’années avant que je m’autorise à dire que le théâtre était mon métier. Je voulais donc poursuivre ma formation. Mon choix pour la Philologie et l’Histoire Orientales a été guidé par mon souci de comprendre mes origines, sans doute, d’un point de vue historique et non spirituel ou religieux.

 

Qu’auriez-vous aimé devenir, si vous n’aviez pas fait du théâtre ?
C’est difficile à imaginer après 30 ans de carrière. A l’époque je voulais faire une carrière académique, me lancer dans la recherche. Il se fait que j’ai rencontré mon mari, Philippe Blasband.

 

C’est lui qui vous ramène vers une carrière artistique ?
Oui. Quoique ce n’est ni le théâtre, ni le cinéma qui ont fait se croiser nos routes. Il a écrit des spectacles magnifiques auxquels j’ai pu participer, dont « Jef », que j’ai joué en 1995, à l’ancienne École Vétérinaire de Bruxelles, avec Pierre Sartenaer et Michel Carcan, dans une mise en scène de Frédéric Fonteyne. Que du beau monde !  

 

Vous jouez dans une quinzaine de films, une trentaine de pièces de théâtre. Avez-vous une préférence pour l’un ou l’autre de ces médias artistiques ?
Non, j’adore les deux. Les manières de travailler sont différentes, mais les deux sont grisantes.

 

Pouvez-vous préciser ?
Au théâtre, arrive toujours le moment où les comédiens deviennent les maîtres du jeu. Ce sont eux qui finissent par mener le navire à bon port. C’est une grande liberté, mais un danger permanent car chaque représentation est un nouveau challenge.
Au cinéma, j’adore le travail d’équipe. L’équipe est plus importante qu’au théâtre et il y a moins d’hiérarchie. Même si à l’écran, c’est l’acteur que l’on voit, tous les autres artisans (son, image, montage, …) sont primordiaux dans la réalisation.

 

Le jeu est différent aussi ?
La sincérité du jeu est la même, mais l’énergie différente. Le travail séquentiel au cinéma réclame une dépense d’énergie courte mais forte. Il faut donc développer un type de concentration qui permette d’être au top au bon moment. Au théâtre, il faut gérer l’énergie dans la durée. Au cinéma, le jeu est retenu tandis qu’il est donné, projeté au théâtre.

 

Au théâtre, la présence du public influence-t-elle le jeu ?
Evidemment. Le public est un réel partenaire, au même titre que les partenaires de jeu. Sur scène, on sent et on mesure continuellement la réactivité du public. C’est un travail d’écoute, d’échange permanent.

 

Dans vos premiers films, vous avez beaucoup tourné avec des comédiens belges (Magali Pinglaut, Benoît Verhaert, Serge Demoulin, Laurent Capelluto,…). On vous dit fidèle aussi aux copines du Conservatoire : Dominique Bayens, Muriel Jacobs, Valérie Lemaître… Est-ce important pour vous de travailler avec des gens que vous connaissez ?
J’aime rencontrer de nouvelles personnes, mais j’aime aussi travailler avec des gens que j’aime et pour lesquels j’ai une grande admiration.

 

Vous avez également beaucoup travaillé sous la direction de votre mari ? Est-ce un avantage ou un handicap ?
Philippe est un grand directeur d’acteurs. Tous ceux qui ont travaillé avec lui vous le diront et je partage largement cet avis. Peut-être s’agace-t-on davantage ? Mais c’est plutôt un avantage qu’un inconvénient. On se comprend sans doute plus vite que d’autres. On décèle mieux ce que l’autre attend. On a toujours été très respectueux l’un de l’autre et on a toujours fait une grande distinction entre travail et vie privée.

 

Au théâtre, vous avez longtemps exploré des lieux parallèles, moins connus : L’Ecole Vétérinaire, L’Île St-Louis, Les Quat’Sous, La Vénerie, La Samaritaine, Le Jacques Franck, Les Halles, Le Méridien, Les Tanneurs… mais pas les « grandes maisons ». Est-ce un choix ?
Non. Ce sont les circonstances de la vie. J’ai pas mal travaillé sous la direction de Jean-Marc Favorin qui aimait les lieux atypiques ou alternatifs.

 

Cela vous a manqué de ne pas être prise par « les grandes maisons » ?
À cette époque-là, oui. Mais quand une pièce rencontre un beau succès, peu importe l’endroit où elle est produite. La reconnaissance des « grandes maisons » est venue plus tard, progressivement : j’ai joué au National, à la Comédie Claude Volter, aux Galeries et, tout récemment, au Jean Vilar à Louvain-la-Neuve.

 

Une grande fidélité au Théâtre Le Public. On vous y a vue dans « Une aventure de Simon Rapoport » (1998), « Kontainer kats » (1998), « Quand les huîtres se cachent pour mourir » (1999), « Abribus » (2003), « Les témoins » (2005), « Rain man » (2009), « Lapin lapin » (2014) et à présent dans « Momo ». Qu’est-ce qui vous ramène régulièrement au Théâtre Le Public ?
J’ai toujours aimé la variété des productions du Théâtre Le Public et l’audace de leurs créations qui laisse la chance à tous, « locomotives » ou acteurs débutants. C’est un théâtre accueillant où l’on sent un vrai souci de travail en équipe. Je m’y sens comme chez moi.

 

L’été approche et avec lui la saison des festivals. Avec « Les témoins » de et mis en scène par Philippe Blasband, vous avez fait partie de la programmation du Théâtre des Doms en 2006 et donc connu l’aventure du Festival d’Avignon. Quel souvenir en gardez-vous ?
Le Théâtre des Doms est un lieu magique à Avignon. On s’y retrouve entre Belges, dans une ambiance « colonie de vacances ». Mais en même temps le lieu dispose d’une vraie notoriété qui attire naturellement producteurs et spectateurs. Les comédiens sont donc moins soumis à la dure loi du « tractage » *. Ceci dit, le Festival d’Avignon, c’est pas mon truc : trop de monde et trop chaud !

*Le « tractage » consiste, pour les comédiens, au Festival d’Avignon, à parcourir les rues et à distribuer des tracts ou flyers de leur spectacle afin d’appâter le client-spectateur. Indispensable quand on sait que plus de 1000 spectacles sont présentés tous les jours.

 

Votre passage à Avignon a-t-il eu des retombées ?
Oui. Une tournée d’une trentaine de dates, en France, Suisse et Belgique. Le Théâtre des Doms est donc une réelle vitrine du théâtre belge francophone.

 

Plus près de nous, l’été du théâtre bruxellois se déroule au Château du Karreveld dans le cadre du Festival Bruxellons ! Vous y avez participé en 2000 avec « Le songe d’une nuit d’été » mis en scène par Bruno Bulté et en 2003 avec « Silence en coulisses » mis en scène par Valérie Lemaître. Un souvenir ?
Formidable ! En 2000, « Le songe » était le premier spectacle « production maison » : c’était très rock-and-roll. Il n’y avait rien sur place, il a fallu tout inventer. Et « Silence en coulisses », trois ans plus tard, un vrai bonheur avec une équipe d’acteurs d’une drôlerie et d’un talent sans pareils.

 

Pour vos prestations cinématographiques, vous avez obtenu plusieurs prix : le prix d’Interprétation Féminine au Festival de Paris pour « Thomas est amoureux » de Pierre-Paul Renders, le même prix d’Interprétation Féminine au Festival d’Amiens pour « La couleur des mots » de Philippe Blasband et une nomination aux Magritte pour « Maternelle » toujours de Philippe Blasband. Est-ce important ?
Cela fait toujours plaisir d’avoir une reconnaissance, même si cela n’influence pas la suite de la carrière. Les Magritte du cinéma ou les Prix de la Critique du théâtre et de la danse constituent une vitrine importante de la culture en Belgique francophone.

 

Dans « La couleur des mots », vous abordez le thème de la dysphasie*, un sujet qui vous tient à cœur puisque votre fils souffre de ce trouble de langage.
Un trouble fort peu connu, sur lequel nous voulions jeter un focus, au travers d’une fiction bien entendu.

*La dysphasie est un trouble de la parole résultant d'un dysfonctionnement neurologique, qui affecte la communication verbale des enfants en particulier.

 

Au théâtre et au cinéma, quels sont les personnages qui vous intéressent plus particulièrement ?
J’aime jouer « les méchantes ». Plus que les personnages, ce sont les univers qui m’intéressent. J’aime entrer dans un monde qui n’est pas le mien et qui le devient le temps d’une production. J’adore passer du sérieux à la comédie. C’est la raison même de mon métier.

 

La mise en scène ou la réalisation ne vous ont jamais tentée ?
Non. Je ne crois pas que j’oserais. Je suis une trouillarde. À choisir, la mise en scène plus que la réalisation.

 

Pourquoi ?
La réalisation met en scène une telle machinerie que je préférerais me cantonner à la direction d’acteurs.

 

L’écriture ?
Oui. J’y ai fait une petite incursion en compagnie de Valérie Lemaître et cela m’a beaucoup plu de me retrouver de l’autre côté de l’histoire.

 

Revenons à votre actualité et à « Momo ». Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce projet ?
Plein de choses. D’abord, le plaisir de jouer avec et d’être mis en scène par Michel Kacenelenbogen. La rencontre aussi de deux nouveaux et très chouettes partenaires : Kim Leleux et Tristan Schotte. Le texte de Sébastien Thiéry est succulent ; un savoureux mélange de rire et d’humanité. Le public rit, s’amuse, est touché et c’est tout ce qu’on demande.

 

Propos recueillis par Roland Bekkers

 

VOIR EN CE MOMENT
Aylin Yay est à l'affiche de Momo jusqu'au 23.06.18.


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