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JUIN 2011

Muriel Jacobs

Muriel Jacobs, un naturel à fleur de peau



Muriel Jacobs est en ce moment à l'affiche de « La confusion des sentiments » de Stefan Zweig, qui clôt la saison du Public. Cette comédienne si sensible a aussi joué dans quelques-uns des spectacles les plus marquants de notre théâtre, depuis « Les mangeuses de chocolat » et « Une liaison pornographique » de Blasband jusqu'à « L'atelier » de Grumberg en passant par « Scènes de la vie conjugale » de Bergman.  Rencontre avec une femme délicate et forte, une comédienne au naturel à fleur de peau.

 

Le Public : C'est venu comment et pourquoi, cette envie de théâtre ?

Muriel Jacobs : Je suis un peu tombée dedans quand j'étais petite. Je ne viens pourtant pas d'une famille d'artistes, mais dans mon enfance, j'ai toujours aimé qu'on me regarde, être en représentation (comme de nombreux comédiens, j'imagine). C'est venu par l'école. Je suis arrivée au théâtre en humanités. J'avais pourtant un chemin tout tracé : j'avais envie de faire les langues et de devenir interprète. Mais j'ai du refaire ma dernière année: là j'ai voulu tout arrêter, mais finalement je voulais continuer mes études et avoir ce diplôme. J'ai donc recommencé ma rhétorique, mais totalement en dilettante. A cette époque-là, une de mes amies faisait du théâtre en cours du soir au Théâtre des Galeries. Un jour je l'ai accompagnée, je suis restée assise là à regarder et je ne suis plus partie.

Le Public : Ca veut dire que tu n'as pas fait d'école de théâtre ?

Muriel Jacobs : Si. Pendant six mois j'ai suivi les cours aux Galeries. C'était assez drôle d'ailleurs, et je crois que bon nombre de comédiens sont passés par là. Aux Galeries, ils ne voulaient pas trop que je présente le Conservatoire et que je reste chez eux. Mais je me suis dit non, et j'ai forcé les portes du Conservatoire: j'ai réussi l'examen d'entrée, chez Pierre Laroche. C'était drôle, parce que tout le mois de septembre, avant que l'année ne commence vraiment, je n'arrivais pas à y croire, C'était trop génial ! Dès que la  porte s'ouvrait, je me disais qu'on allait me dire qu'il y avait une erreur administrative et que je n'étais pas admise. C'était surréaliste pour moi. Voilà, et puis j'ai fait de belles rencontres au Conservatoire. J'ai eu la chance de rencontrer Frédéric Dussenne, par exemple et un peu par hasard encore une fois: un copain avec qui je devais travailler une scène mais qui devait d'abord aller s'inscrire à un stage et m'a dit : « Viens avec moi ». J'ai assisté à la présentation du stage par Frédéric et j'ai eu envie de le faire. C'est comme ça que je me suis retrouvé dans « L'annonce faite à Marie*». Ca a été une aventure magnifique. Voilà, c'est comme si j'avais suivi deux formations en parallèle. celle de Frédéric avec la troupe de « L'annonce » et celle plus académique avec mes professeurs du Conservatoire. J'ai tout de suite mis en pratique ce que j'apprenais. Avec Frédéric, c'était une exigence, on travaillait et on répétait tous les dimanches, toutes les vacances. Ca a duré une année et ça a été une expérience de vie incroyable. J'ai énormément appris. Mettre immédiatement en pratique ce qu'on apprend, c'est super important et riche.

Le Public : Au début, les choses que tu as faites au théâtre sont dues à des affinités avec certaines personnes ? Ou bien as-tu passé des auditions comme beaucoup ?

Muriel Jacobs : Oui, j'ai passé des auditions, mais je reste persuadée que ce sont surtout des rencontres qui se font. Ou qui ne se font pas. Il y a des gens qui sont très doués pour les auditions, mais moi je déteste ça et donc j'en ai passées vraiment très peu. C'est vraiment une question d'affinités, je pense, de rencontres. Entre autres, celle avec Frédéric a été très importante dans ma vie de comédienne, ça c'est sûr. J'ai eu un long parcours avec lui et il m'a offert des rôles magnifiques pour la jeune comédienne que j'étais. Il m'a fait confiance très tôt, il m'a défendue. Maintenant on est un peu plus éloignés, mais c'est comme ça...les vies ça bouge, ça vient, ça va.

Le Public : Dans tout ce que tu as joué, il y a pas mal d'auteurs belges : Thierry Debroux, Paul Willems, Philippe Blasband...

Muriel Jacobs : Oui, Blasband c'est important. Je dirais que c'est une rencontre à la Blasband. Il avait besoin de quatre comédiennes et il voulait des blondes de tel âge et avec les yeux bleus. Il a pris l'annuaire mais ça n'a pas fonctionné comme ça, il ne trouvait pas ses quatre blondes. On est voisins et amis et un jour il m'appelle et il me dit : « Voilà, j'ai une lecture à faire d'un texte que j'ai écrit. Est-ce que tu veux bien le faire ? Tu n'es pas blonde, mais bon... et il y a trois autres filles,....» J'ai dit OK. Et de là est partie cette aventure  des « Mangeuses de chocolat* », qui même aujourd'hui est encore ouverte. On joue depuis je ne sais pas combien d'années... depuis 96 je crois. Et ça a été magnifique ! Il se fait qu'après il nous a réécrit une pièce, « Paternel* » que nous avons  jouée au Public. J'ai aussi joué «Une liaison pornographique* » avec Michel Kacenelenbogen. Voilà pour Blasband, mais à vrai dire, les auteurs belges c'est un peu le fruit du hasard.

Le Public : Il y a des auteurs que tu apprécies, que tu aimerais jouer ? Ou des rôles dont tu rêves ?

Muriel Jacobs : J'ai des rêves, oui, mais qui évoluent tellement. Les « grands rôles », c'est aussi une question d'envies, de moments... Ce sont des trucs qui arrivent et qu'on ne choisit pas. Et puis je suis aussi parfois très surprise par des rôles qu'on me propose et ça donne de magnifiques rencontres. Je me laisse aller. Je n'ai jamais fait de plans.

Le Public : Tu as donc le besoin de travailler en équipe ? Est-ce qu'il y a une sorte de fidélité aussi ?

Muriel Jacobs : Oui, bien sûr. Je pense que le théâtre, c'est une équipe. Moi je suis interprète mais il y a toute une équipe derrière. Au théâtre, on construit vraiment quelque chose ensemble. Après, on le vit avec les spectateurs, et ça continue : on fait équipe avec les spectateurs. C'est très important pour moi et bien sûr que la fidélité joue. C'est la fidélité ici, avec ce théâtre, avec d'autres rencontres. Cette saison, j'ai eu la chance de jouer dans différents théâtres et j'espère continuer. C'est très important et super riche pour tout le monde. Quand il y a des rencontres avec un metteur en scène, une équipe ou un auteur, travailler sur le long terme ça permet aussi d'aller beaucoup plus loin. c'est sûr que quand un metteur en scène vous connaît parfaitement bien et qu'on a déjà travaillé ensemble, il peut vous emmener dans des sphères où on ne pensait pas pouvoir aller. Parce qu'on est en confiance et que c'est vraiment un travail de partage. Si on n'a pas confiance, on reste au bord de la piscine. Pour sauter à l'eau, il faut que l'autre vous apprenne à nager et vous donne les pistes. Mais d'autre part, les nouvelles rencontres, les mises en danger, c'est très important.

Le Public : Dans les rôles que tu as joués, il me semble aussi que tu as beaucoup exploré les relations de couple au théâtre, non ?

Muriel Jacobs : J'ai commencé avec un couple, dans « Elle disait dormir pour mourir* » de Paul Willems, un couple d'enfants avec Thierry Lefèvre. C'était un spectacle magnifique. Je pense aussi à « Scènes de la vie conjugale* ».  C'est une vraie histoire de couple de théâtre, qui se prolonge encore. Et aussi avec Alain Leempoel une rencontre inattendue, vraiment inattendue. L'hiver prochain nous allons le rejouer, mais je ne suis pas du tout la même que l'année dernière. Les personnages évoluent avec nous et avec le temps. Pour un spectateur qui arrive, il ne voit pas cette évolution, mais il la sent. Il doit sentir et percevoir ces choses infimes, ces petits frissons. Après, il y a des jours où on peut être en moins bonne forme ou en meilleure forme. il y a des choses énormes qui peuvent vous arriver dans la vie et on joue quand même, quelques soient les chaos de l'existence. Je pense que les spectateurs le sentent. Ce n'est pas possible autrement. Ca j'y crois très fortement.

Le Public : Est-ce qu'il y a eu des moments dont tu t'es dit : « Ah non, ça jamais, je ne le sens pas ! » Est-ce que tu as refusé des rôles ?

Muriel Jacobs : Oui, j'ai déjà refusé des rôles. Je fonctionne très fort à l'intuition. Je ne sais pas ce que ça veut dire vraiment, mais il y des choses comme ça que je sens. Ce n'est pas par rapport à une personne ou quelque chose comme ça. C'est une sensation. il y a eu une fois un truc comme ça. C'était trop confus et je me suis permise de dire : « Ce n'est pas le moment ». On me proposait une comédie (j'adorerais jouer un Feydeau !) La vie ma prouvé que ce n'était pas le moment. Voilà, ça se fera peut-être une autre fois. Donc, oui, je refuse des choses quelquefois. Mais on ne peut pas toujours se le permettre. Je n'ai jamais joué un rôle que je n'avais pas envie de jouer. Après, peut-être qu'on apprend à l'aimer.

Le Public : On apprend à l'aimer ? C'est-à-dire qu'il y a des rôles qu'on a du mal à aborder, où on doit se battre avec le personnage ?

Muriel Jacobs : Oui. Le personnage de « La confusion des sentiments » par exemple, j'ai eu un peu de mal. C'est une femme qui est meurtrie, qui est mangée, rongée par la frustration, le manque d'amour. Pour moi c'est difficile à accepter, à entrer, à jouer ce personnage sans qu'il ne me mine. Ca a été un peu compliqué. Cette femme a été « difficile » mais aujourd'hui je suis très heureuse de la défendre.

Le Public : Et le cinéma ? Est-ce qu'il vient vers toi ? Est-ce que tu as des envies ?

Muriel Jacobs : J'en ai fait pas mal, j'en fais moins. J'en referais avec plaisir. Mais pour moi, une comédienne de théâtre et une actrice de cinéma, ce n'est pas du tout le même métier, ça n'a rien à voir. Je reste persuadée que le théâtre est, à mes yeux, beaucoup plus riche. Il m'apporte beaucoup plus. Du fait que c'est un long travail. Que toutes ces heures de répétitions servent à être là le jour où il faut être là. Sans artifice. Au théâtre, on est maître du temps. Et on est avec les spectateurs. C'est magnifique de se dire un jour : "Voilà, maintenant c'est parti ! " Et c'est nous qui sommes maîtres du temps, de ce qui se passe, du rythme de la pièce. Ca, ça nous appartient et pour moi, en temps que comédienne, c'est fondamental.

 

*"L'annonce faite à Marie" de Paul Claudel. Création des Ateliers de l'Echange. / "Les mangeuses de chocolat" et "Paternel" de Philippe Blasband, coproduction Audience Production et Théâtre le Public: avec Muriel Jacobs, Claire Bodson, Jacqueline Bollen, Michèle Shor / "Une liaison pornographique" de Philippe Blasband, création du Théâtre Le Public / "Elle disait dormir pour mourir" de Paul Willems au Rideau de Bruxelles / "Scènes de la vie conjugale" d'Ingmar Bergman, coproduction Théâtre Le Public - Théâtre de Namur

Photos: 1: "La confusion des sentiments" de Stefan Zweig - photo José Pombo / 2: "Les mangeuses de chocolat" de Philipppe Blasband / 3: "Scènes de la vie conjugale" d'Ingmar Bergman - photo Cassandre Sturbois / 4: "L'atelier" de Jean-Claude Grumberg / 5: "Une liaison pronographique" de Philippe Blasband / 6: Portrait de Muriel Jacobs par Cassandre Strubois 


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